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Xelias
2 décembre 2007

My Blueberry Nights, Wong Kar Wai, 2007

Nouveau chef d'oeuvre du grand maniériste hong-kongais ? ou bluette sentimentale réchauffée ? En bon centriste éclectique du cinéma, je dirai un peu des deux. Le film n'a ni l'originalité formelle, ni l'ampleur romanesque des derniers Wong Kar Wai, sans pour autant renouer avec l'énergie et la vie à fleur de peau de films comme Chunking Epress (auquel on pense beaucoup...). On peut le voir comme une double variation : variation par rapport à sa propre biographie (le film n'explore pas de nouveaux territoires - à part celui des Etats-Unis, ce qui est déjà notable), et variation par rapport au genre de la comédie sentimentale américaine (deux beaux jeunes new-yorkais qui se rencontrent au début du film et qui sont ensemble à la fin). Une petite remarque en passant à propos des stéréotypes de la comédie sentimentale. Je trouve toujours que le choix des acteurs va à l'encontre de la crédibilité. Norah Jones et Jude Law se rencontrent dans un bar : qui peut douter qu'ils finiront ensemble ? Admettons que ce soit Jude Law qui sorte avec Norah Jones, qui la trompe et que Norah Jones tombe dans ce bar sur un acteur beaucoup moins connu (et moins côté sur la liste des mecs les plus sexy de la planète). On comprendrait alors beaucoup mieux pourquoi la relation commence par de l'amitié et qu'il faille tout le temps du film pour qu'elle s'attache à lui. Bref, revenons au film. Il y a un aspect que Wong Kar Wai explore de film en film et qui est intéressant, ce sont ces boucles et ces raccourcis dans nos biographies amoureuses. On a l'impression de vivre plein de choses différentes, de se laisser emporter par le courant et on se rend compte que ce n'était qu'un petit détour le temps de traverser la rue et de retrouver l'homme ou la femme qu'on aime (bon d'accord, ça arrive surtout dans les films... : dans la réalité, le barman n'a pas attendu 300 jours...). Plus métaphysiquement, c'est toute la question de l'Un et du Multiple, poussé jusqu'à l'extrême dans le diptyque In The Mood for Love/2046 (à cause de son amour idéal et jamais consommé pour Maggie Cheung, Tony Leung multiplie les relations amoureuses sans jamais s'attaché). Tout Wong Kar Wai tient dans les variations autour de cet amour impossible (ou brisé) qui peu à peu s'atténue pour laisser la place à d'autres sentiments. Dans My Blueberry Nights, il faut deux conditions pour que Norah Jones s'ouvre aux autres : qu'elle aime encore son copain, et que cet amour soit brisé. Ce film cependant parle autant d'amitié que d'amour. Chacune des personnes qu'elle croise apparaît comme une étape dans une sorte d'initiation/réconciliation avec elle-même qui la rendra prête à revenir à New York, chaque personne est une sorte de miroir inversé qui lui renvoie à la fois ce qu'elle est et ce qu'elle n'est pas. (Cette effet de miroir joue aussi dans les renversements successifs de fonction barman/clients). C'est classique, c'est plein de réminiscences des anciens films de Wong Kar Wai) mais ce n'est pas inintéressant. Visuellement, cet opus est moins ultra-sophistiqué que 2046 sans revenir à l'urgence très "à bout de souffle" de Chunking Express, tout en reprenant la plupart des formes de Wong Kar Wai (ralentis, accélérés, contrastes colorés très forts, sens de l'image toujours très développé). Plus d'une fois, on a l'impression que ce séjour américain lui fait rencontrer l'univers d'Edward Hopper (dans les bars sombres où les solitudes se côtoient, dans ces lumières du Sud de fin d'après-midi), à une différences près : là où Hopper supprime les vitres, Wong Kar Wai les multiplie et n'adore rien tant que les vitres, les parois, les écrans. Mais l'effet n'est pas forcément si éloigné.
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Xelias
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