Une journée dans ma vie (2/5)

Puis je vais au marché. Je n’ai jamais su faire la cuisine. Je pourrais profiter de ces longues journées pour apprendre mais je n’ai pas d’amis alors à quoi bon ? Des pommes de terre, des carottes, un peu de fromage, de la viande facile à cuisiner, cela me suffit. C’est dans l’épluchure que se concentrent l’essentiel de mes qualités culinaires. Un bouleversement approche : l’arrivée prochaine d’un auto-cuiseur à vapeur gagné grâce à mes patientes économies de Points Marché U – ne me demandez pas de quoi il s’agit ! Il semblerait que cela facilite la cuisson de riz, légumes et poissons et m’oblige ainsi à une stratégie digne d’Epicure : un premier effort (apprendre à me servir de cette machine) dans l’espoir d’un effort moindre (cuire riz et légumes sans difficultés). Le poisson demande plus de subtilité : vérifier d’abord que l’espèce en question est bien péchée selon des principes écologiques acceptables. Ensuite réfléchir à la cuisson et à l’accompagnement. Mais de toute façon je n’ai jamais acheté de poisson sinon recouverts de panage. La lecture des livres de cuisine me plonge dans un tel ennui – véritable celui-là – que je préfère renoncer avant que d’avoir commencer. Mon ennui se révèle alors comme une notion paradoxale : c’est la sortie de ma routine, la perspective d’une activité nouvelle, surtout sur un domaine de la vie pratique ou sociale, qui me sont synonymes d’ennui. Mon ennui à moi m’est chose sacrée : rien ne doit me détourner de ma tiède langueur.