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Xelias
10 mars 2007

En attendant la suite de Plus Laide la Vie, une scenette strasbourgeoise

Il est environ 8h00. Comme presque tous les samedis matin, je me rends au marché de la place du Marché aux Poissons - le Marché des Bourgeois comme on l'appelle aussi. Je regarde les premiers stands : un boucher seulement en train d'installer son étalage, des légumes qui ne m'intéressent pas. Je suis soulagé : le mendiant habituel n'est pas là, il réussit toujours à capter mon regard et il ne me lâche plus jusqu'à ce qu'il ait réussi à me soutirer quelques centimes ou à me vendre son journal de pauvres. La présence, ce matin, d'un fonctionnaire apparemment chargé de vérifier les autorisations des différents stands doit être pour quelque chose dans cette absence. Je me rends alors chez mon boucher habituel : je l'aime bien parce qu'ils sont généralement deux et qu'avec leur carrure et leur barbe n dirait un couple de Bears... Mais aujourd'hui, il n'y a que le petit gros. Je décide de faire la queue - entre autre, je l'avoue, parce que la bourgeoise devant moi est accompagnée de son jeune fils d'une vingtaine d'année, l'allure un peu amorphe mais pas laid, et puis c'est le seul autre garçon de moins de trente ans ici. Mais je me rends vite compte que ce garçon est beaucoup moins intéressant que sa mère, une vraie "Strasbourgeoise" comme on les aime. Je sors mon mp3 et je le mets discrètement sur sa fonction "enregistrement" - fonction qui est trop rarement utilisée à mon goût ! Il y a une vieille dame qui s'apprête à partir. Elle a un chien au bout d'une laisse, une sorte de chien de race : le début de la conversation portait sur ses ascendants. Selon le boucher, vu ses ascendants,il devait être un bon coureur mais ses propriétaires semblaient penser le contraire... Boucher : - Je vous donne un os comme ça, votre chien, après il court. Dame : - Il va le laisser sous le tapis du salon, ouais ! La vieille dame : - Mais non, pas en-dessous, dessus ! C'est donc mieux ! Dame : - Oui, c'est vachement mieux ! La vieille dame : (recevant la monnaie du boucher) Merci... Allez, bon week-end ! Boucher : Bon week end ! La vieille dame s'éloigne. Dame : Je prendrais aussi de ce bacon... On y retourne, je vous l'avais dit, hein ? La dame fait référence au fait que la vieille dame avait aussi pris du bacon. Le bacon est tout devant et le boucher doit se pencher et tendre le bras pour le chercher. B : - Je vais peut-être le mettre ailleurs ! Dame : - Oui ! B : Combien ? D : - Oh, une pile, comme ça. C'est ça... Une grosse pile. Voilà... C'est de la poire, ça, hein ? B: - Ouais. D : C'est une poire. Moment inaudible : la dame demande un morceau de viande. B : - Je la coupe ? D : - Ca fait quatre part, ça ? B:: - Là, y'a 500 grammes. D : - Coupez-la déjà pour voir combien ça en fait. B : - En combien je vous la coupe ? D : - Ben... Trois ou quatre... Enfin, des steaks, quoi. B : Trois ou quatre ? D : Mais je sais pas ! Si c'est trop petit, coupez en trois. Si c'est pas trop petit coupez quatre. Le boucher se retourne pour couper le morceau de viande puis montre le résultat. D : - Là ça fait quatre ça ? B : - Là, y'a trois. D : Ah ben y'a que trois, tu vois. Voilà. Donc il me faut encore un steak de quelque chose. B : - Mais quelque chose de quoi ? D : - Qu'est-ce qu'il y a ? B : - Onglet, noisette, poire, rumsteak... D : - Y'a encore de la poire ? B : - Euh, non, plus de poire. D : - Ah ben voilà. Euh, quelque chose qui ressemble, je sais pas. Euh... Araignée. Au pif, hein ? B : - C'est ça l'araignée. D : - Voilà. Araignée, donc. Le boucher pose la pièce avec les trois tranches déjà coupées. B : - Là y'a 900 grammes maintenant. D : - Ben oui mais... Non mais l'araignée on peut la couper ? B : Ouais ! D : - Et comme ça y'a du rab ! (à son jeune fils qui l'accompagne sans rien dire) Comme ça ton père il ne m'emmerdera pas s'il n'aura rien à bouffer à midi. B : - Moi j'veux pas de bagarre. D : - Hein ? B : - Pas de bagarre ! D : Non, pas d'histoire, hein ? (Elle continue à parcourir l'étalage) Et donc un... dings, là, comment ça s'appelle ? Un cordon bleu. B : - Dings, du ! D : - (rires) Cordon bleu... B : - Normalement je devrais pas être là non plus. La dame ne prête pas attention à ses paroles et reste concentrée sur son cordon bleu. D : - Ca fait un peu petit non ? Donne-moi deux. Hein ? Donc avec un comme ça il va faire la gueule. B : - Normalement je devrais pas être là non plus. D : - Pourquoi ? Le boucher tend son bras et montre sa main droite. Sous le gant blanc, on distingue une petite masse noire à l'annulaire. D : - Pourquoi ? Cassé ? Coupé ? B : 9 points de suture. Quelques phrases sont inaudibles : la dame réagit à la blessure, parle de son mari à qui il a dû arriver une mésaventure similaire. D : Il faudrait un rôti de port. B : - Alors là maintenant... gras ou pas gras ? D : Non, du gras ! Pourquoi ? (rires) B : - Je me dis qu'il y a conflit alors... D : - Non non moi je veux bien du gras, hein ? B : Du collet ? Ou de l'épaule ? D : Oui oui... Un truc bien juteux. Pas sec. B : Collet ou épaule ? D : - Ce qui vient, là, voilà. Un gros bout. Un bon kilo, hein ? Un kilo deux. Voilà, maintenant il faudrait quelque chose avec "nonos", genre un pied... B : Vous avez un chien ? D : Non ! Non, c'est moi. C'est moi qui mange les... les "nonos". B : - Moi j'ai un tigre, ben il est pas plus grand que ça. D : - Un tigre bonzaï. B : - Enfin, c'est pas à moi, c'est à mon gamin. Un lapin. D : - Ah, un lapin ! B : - Une horreur ! D : - Il bouffe les fils éléctriques ? B : - Il bouffe tout ! D : - Les lapins ils bouffent tout c'est horrible ! Puis ils s'électrocutent avec les fils du... B : - Mais ouais mais... Et ça se voit hein ? D : - Ah ouais ? B : - Ah ouais parce que l'autre fois il a bouffé la prise du téléphone, alors il a fait un bond ! D : - Ah ! Ah ! Il était rôti direct ! Il me faut... C'est un petit gigot, ça, hein ? B : Ouais. D : C'est juste ce qu'il faut. Voilà ! C'est à ce moment que j'interviens. (X pour Xelias...) X : - Vous allez dévaliser le magasin, là ! D : - Ouais ouais, écoutez je viens une fois par semaine alors il faut que ça tienne ! Hein ? Je suis désolée. X : - Laissez m'en un petit peu sinon, le reste, vous pouvez... D : - Qu'est-ce que vous voulez que je vous laisse ? X : - Moi je prendrai deux côtes de porc alors... D : - Ah ça moi j'en prends pas ! D : - Je voudrais un filet mignon de veau, y'a ? B : - Y'a plus ! D : - Ah ben voilà ! Alors du porc. B : - Un grand ? D : - Ouaip ! Voilà ! Et puis c'est tout ! (s'adressant à moi) Ca va comme ça ? X : - Parfait. Le boucher donne sa facture, la dame paie, attend sa monnaie et s'éloigne, accompagnée de son fils qui n'a pas dit un mot.
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Xelias
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