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Xelias
18 janvier 2008

L'Austerlitz (soir 4)

Chaque retour à l'Austerlitz est l'occasion d'une nouvelle aventure, et ce soir-là ne fit pas exception à la règle - même si j'ai très vite pensé que j'aurais mieux fait de rentrer chez moi. Je m'explique. Je suis rentré dans le bistrot en passant à côté d'une femme-zombie qui fumait une clope les yeux dans le vide sur la terrasse. Puis je me suis dirigé directement au comptoir en m'asseyant à côté d'une femme qui parlait avec le patron et j'ai commencé à feuilleter un exemplaire des DNA en piteux état. C'est alors que je me suis rendu compte, en levant rapidement les yeux, que la femme assise à côté de moi n'était autre que... Ariane ! Ariane... Il faudra que je lui consacre un texte en entier, voire plusieurs, pour décrire cette folle incroyable qui hante absolument tous les lieux de Strasbourg, toutes les manifestations culturelles et même, visiblement, tous les bars au point que j'ai pu croire qu'elle était douée du don d'ubiquité ! Mais non, c'est juste une de ces personnes qui n'ont rien à faire de leur soirée sinon aller à toutes les Avant-Premières, Rencontres d'Ecrivain et autres débats pour y poser des questions interminables et retenir ensuite les pauvres invités pendant des heures alors qu'ils pourraient discuter avec pleins d'autres personnes plus intéressantes qu'ils regardent d'un air désespéré en cherchant comment faire pour se débarrasser de cette groupie encombrante. Bref, c'est elle que je retrouve au bar L'Austerlitz ce soir-là, et évidemment, je ne peux pas me cacher bien longtemps derrière mes DNA : elle me connaît, donc me reconnaît et m'adresse aussitôt la parole. "Tiens ? C'est toi ? Bonsoir qu'est-ce que tu fais dans cet endroit de perdition ? Tu sais, ici c'est le genre de bar où l'on retrouve tous ceux qui sont refusés ailleurs..." C'est une bonne définition, au demeurant, même si "lieu de perdition" n'est pas exact : nulle débauche ici, et c'est plutôt un lieu où les gens se retrouvent. Je dois remercier Ariane pour une chose : elle m'a présenté au patron et nous avons pu ainsi nous trouver quelques points communs qui font que, désormais, toutes les personnes que je pourrais trouver derrière le comptoir me connaissent. J'aurais volontiers poursuivi ma discussion avec le patron mais c'était sans compter Ariane qui ne peut s'empêcher de parler, en l'occurrence de ME parler. Elle me demande ce que je deviens, je lui réponds brièvement, je lui pose la même question en retour mais elle ne veut pas en parler : ça ne doit pas aller très fort. Mais ça ne l'empêche pas de poursuivre en un long monologue sur des activités qu'elle a pu avoir il y a une quinzaine d'années (j'ai oublié de mentionner qu'Ariane doit comptabiliser une quarantaine bien tassée). À mon tour, je l'écoute, je cherche une porte de sortie, je ne trouve pas, je suis incapable de lui dire en face que je n'ai aucune envie d'entendre ses discours, et pour faire quoi ? Il n'y a personne d'autre dans le bar si ce n'est une sorte de gros clochard russe surmonté d'un bonnet informe qui baragouine quelques mots de français au patron avant de tirer quelques pièces de sa poche et de partir, et un homme maigrichon qui tient de drôles de propos au patron qui fait mine de l'ignorer en plongeant dans la page cinéma de son Libération. Cet homme a l'air positivement fou, il dit qu'il est contre toute forme de violence, qu'il tient le patron pour un vrai ami, etc. Comme il parle un peu fort et sur un drôle de ton, le patron finit par le mettre à la porte, et comme il reste juste devant la porte, le patron sort pour lui dire de bouger un peu - ce qu'il ne fait pas vraiment et il finit par retourner à l'intérieur en parlant à nouveau au patron qui lui dit de fermer sa gueule. Tout cela, j'aurais aimé l'observer avec attention mais j'étais bien obligé d'écouter Ariane et de répondre à ses questions incessantes. Je n'ai eu qu'une petite pause : c'est quand elle est sortie fumer. J'avais moi aussi des cigarettes sur moi, au cas où j'aurais pu sortir fumer avec Anne ou quelqu'un d'autre - mais pour le coup je l'ai laissé croire que je ne fumais pas. A son retour, plutôt que de la laisser reprendre son interminable conversation inintéressante, j'ai prétexté que j'avais fini ma bière et que je voulais me coucher tôt. Le gros monsieur à la barbe blanche vient d'entrer : il s'appelle Gérard. Je lui serre amicalement la main, il me salue avec son beau sourire de cocker triste. Je lui demande s'il me jouera de la flûte un soir, il me répond que non, peut-être quand il fera plus beau. Puis je prends congé de la petite compagnie. Un détail m'a traumatisé : Gérard connaissant Ariane par son prénom : c'est donc qu'elle aussi est une habituée... Oserais-je encore remettre les pieds à l'Austerlitz ?
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Xelias
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