Un rituel incontournable

Samedi dernier, corvée de tondeuse à gazon ! Strasbourg et ses terrasses bondées étaient très loin à ce moment et la musique qui retentissait dans les rues n'était pas celle d'un joueur de cornemuse ou d'un guitariste à dreadlocks, mais le doux bruit des autres tondeuses à gazon qui, un peu partout dans le village, s'échinaient sous les coups de leur maître à ramener les mauvaises herbes à une taille acceptable. Pensez-vous : après quelques semaines bien pluvieuses, ce premier vrai samedi ensoleillé du printemps appelait naturellement - que dis-je? - exigeait de tout le village qu'il passât la tondeuse à gazon. Un rite solaire, en quelque sorte, un hommage à l'astre radieux et à son pouvoir fortifiant. Dans certaines sociétés on coupe les cheveux des adolescents lors de leur passage à l'âge adulte, dans les quartiers pavillonnaires on coupe le gazon au premier jour de soleil. Ensuite beaucoup entassent l'herbe coupée, des extrémistes disciples de Caïn vont jusqu'à allumer un bûcher pour que la fumée monte jusqu'au ciel. Mais le rite orthodoxe veut depuis quelques années que les fidèles ramènent pieusement les matières organiques à la décharge intercommunale et viennent verser leur offrande sur la montagne d'herbe en fermentation qui s'accumule ici pour la plus grande gloire du soleil... Plus sérieusement la vie d'un village (alsacien ou pas) est passionnante, avec ses discussions qui s'échangent dans la rue de part et d'autres de la barrière, ou dans les points de rencontres (point d'eau?) que sont la COOP ou le bureau de tabac. Il y a les anciens, ceux qui sont là depuis plusieurs générations, les arrivants plus récents mais déjà intégrés, les tout nouveaux dans leur toute nouvelle maison, il y a les rumeurs parfois dignes de Desperate Housewife, les élections municipales, les fêtes du village en été ou au printemps, les différents qui peuvent opposer les fonctionnaires au commerçants, etc. Je n'y connais pas grand chose, je ne me suis jamais vraiment intégré à la vie de mon village (que malgré tout j'appelle mon village, même si je n'y vis plus et même si je n'y suis pas né), mais j'ai de temps en temps ce rêve de m'y intéresser un peu plus - dans l'idée d'en faire une nouvelle, un court-métrage, un documentaire. Mais rester dans mon village pour une fête foraine, pour aller à la boîte locale ou pour discuter avec les voisins demandent quand même une sacrée motivation !!!