Insaisissable et fascinante Afrique...

Il se trouve qu'une personne de mon proche entourage (M.) a vécu plusieurs années en Afrique et que grâce à elle j'ai pu avoir un petit aperçu de la culture populaire d'Afrique de l'Ouest (de Côte d'Ivoire plus exactement : je n'ai nullement l'intention de parler de "l'Afrique" comme si c'était une seule culture au même titre que "l'Alsace" ou la "Bretagne"...). He bien c'est quelque chose qui m'a réellement surpris et je me suis rendu compte que je ne connaissais rien de l'Afrique, et que mon cas est sûrement largement généralisable.

L'Afrique telle qu'elle nous est décrite par les médias se résume à quelques clichés immuables : d'un coté la misère et les guerres fratricides, de l'autre une culture ancestrale, des paysages grandioses, un réservoir inépuisable pour documentaires animaliers... Ca ne doit pas être facile de vivre au milieu de tout cela, mais c'est peut-être justement parce que ce n'est pas que cela.

Nous avions commencé à regarder un documentaire sur France 5 il y a quelques temps : le réalisateur remontait le Fleuve Niger sur un bateau jusqu'à arriver à la mythique cité de Tombouctou. Nous étions pleins de bonne volonté, M. et moi, et pourtant très vite le malaise s'est installé. L'air de rien, avec toute la bonne volonté du monde, le réalisateur soulignait la bonne humeur des habitants, leur ardeur au travail, leur lien avec des traditions ancestrales... Ce genre de généralisation a commencé à nous faire froncer les sourcils, et c'est au moment du départ du bateau que nous avons compris ce qui se passait : le réalisateur était là uniquement pour conforter ses propres a priori (et les nôtres) sur "l'Afrique". En effet, un marché se tenait sur une place près du port mais le réalisateur s'en est explicitement détourné : on y parlait trop d'argent, on y marchandait, c'était capitaliste et bruyant, il préférait le calme souverain d'un soleil couchant sur le fleuve Niger. Bref, l'argument à peine implicite de son attitude, c'est que cette vie quotidienne et urbaine n'était pas assez "africaine" et que finalement la "vraie" Afrique est celle qui n'est pas encore entrée dans l'histoire, pour reprendre une expression déjà utilisée...

Ou, pour reprendre une expression de M. : encore un film sur l'Afrique sans les Africains. Ou encore : un bon film sur l'Afrique et un film sans Africain.

Inutile de dire que M. était ulcéré et qu'il s'est mis à invectiver le pauvre poste de télévision qui n'y pouvait pas grand chose. Et à me dire que non, la vraie "Afrique" vivante et joyeuse se trouvait là, dans les marchés, avec les marchandages, les gossipages, les jeunes qui se draguent, les odeurs et la musique... Que c'était là que lui avait grandi, à manger de la loco (bananes frites) dans des maquis ou au locodrome, à traîner dans les rues sous la surveillance des voisins, à acheter de la poudre de baobab emballées dans des fiches de paie, à danser en boîte sur du zouc...

Bref, pour se faire une idée de la vie dans les villes d'Afrique de l'Ouest, on peut traîner sur dailymotion et regarder une série qui a un grand succès : Ma Famille (réalisée par une femme s'il vous plaît !)
http://www.dailymotion.com/related/389616/video/x7648_ma-famille-16_family

Ou alors cette autre série, que je préfère, je la trouve plus "décontractée" et plus réaliste :
http://www.dailymotion.com/related/338045/video/x722r_faut-pas-facher-coupe-decale-15_family
(et vous saurez tout sur la danse coupé/décalé!)

Mais pour lire quelque chose de peut-être plus artistique et de moins formaté, il y a la très belle bande dessinée de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie : "Aya, de Yopougon" en trois volumes. (Yopougon, ou Yop'City, étant un quartier d'Abidjan). Cette bédé suit les aventures quotidiennes de quelques jeunes filles entre le boulot, la drague, le mariage, les études... C'est très drôle, et ça donne enfin à voir une Afrique vivante et qui se débrouille très bien sans les Blancs.