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Xelias
10 janvier 2010

Introduction aux Gender Studies (3/3)

judith_butler(image : Judith Butler)


3. Défaire le genre


Dans une première conception de la transsexualité, pour les médecins, ainsi que pour une « première génération » de transsexuels, il va de soi qu’il n’y a que deux sexes et que la transsexualité est une erreur marginale de la nature qui peut être efficacement corrigée par la chirurgie. Notamment pour certains de ses critiques « transgenres », le paradigme de la transsexualité participe ainsi du renforcement de l’idéologie du genre : en dernière instance, un homme reste défini par son pénis et une femme par son vagin.


Le transgendérisme, ou modèle transgenre, est d’abord une critique interne au mouvement transsexuel. Il concerne les personne qui ne sont pas satisfaites par l’impératif d’une équivalence entre le sexe, la sexualité et la sexuation des corps, et qui remettent en question ce dispositif normatif en en dénonçant les effets. Il s’agit de critiquer « de l’intérieur » le modèle de la transsexualité comme une forme de fausse conscience échouant à abolir le mal-être né des catégories impératives du genre. (Cette critique est susceptible d’être décrite comme naturaliste. Dénoncer la fausse conscience des transsexuels ne revient-il pas à considérer qu’il faudrait changer le genre plutôt que le sexe, ratifiant ainsi l’idée que le sexe est bel et bien un objet qu’on ne saurait changer, et par là-même remettre en cause ?)


Pour le mouvement transgenre, les trans sont des « hors-la-loi du genre » car ils n’entrent dans aucune des catégories (de sexe) de celui-ci. En renvoyant le sexe à sa construction sociale et biologique, le mouvement transgenre critique le système de partition de l’humanité en sexes, non seulement pour sa binarité oppressive, mais également dans sa prétention même à faire du sexe un indice pertinent des divisions du monde social.


Le corps n’est plus le site d’une correction identitaire fortement binarisée, et la métaphore même corps/esprit s’évanouit dans le refus d’une épreuve de véridiction permettant d’obtenir un « vrai » sexe : « Je ne me sens pas comme un homme emprisonné dans un corps de femme, mais jute emprisonnée. «  écrit Leslie Feinberg. Comme l’écrit si bien Kate Bornstein : « Je n’ai jamais haï mon pénis, j’ai haï le fait qu’il faisait de moi un homme. »


Défaire la binarité des sexes, c’est donc défaire l’idée même d’une sexualité fondée sur le choix d’objet d’un « même » ou d’un « autre ». Défaire le sexe dans son unicité, c’est faire la place à un « désir trans » où la sexualité n’est pas liée à la stabilité ou à l’existence même des sexes.


Plutôt que de simplement défendre les droits des femmes ou les droits des homosexuels à vivre leur vie auss authentiquement que les dominants, le mouvement « queer » a cherché à constituer les identités minoritaires en sites de critique et de déconstruction politique des ormes majoritaires. Stratégie de lutte et de critique qui dérange l’aspiration égalitaire à une vie aussi paisible que celle de la majorité. Il ne s’agit pas de revendiquer une identité sur la base d’une homosexualité positivement pensée comme un choix d’objet, mais de revendiquer une identité d’opposition et de combat, une identité « sans essence » qui est mobilisée par rapport à et contre la norme dominante.


La vigilance queer ne consiste pas à refuser de fonder des revendications collectives sur des identités, mais à empêcher ces processus d’enfermer les minoritaires dans des essences qui les opprimeraient au lieu de les libérer. Selon les mots de Gayatri Spivak, repris par Judith Butler, il faut donc assumer « l’erreur nécessaire de l’identité » tant qu’elle est stratégiquement rentable.


Au fil du temps, cependant, la théorie et les position politiques queer ont connu une « normalisation » : d’une part les études queer à l’université sont devenues une simple spécialité parmi d’autres, et d’autre part, le terme « queer », moins utilisé à partir des années 200, a fini par être invoqué soit comme synonyme de « lesbien, gai, bi, trans », soit comme une nouvelle catégorie réifiée, apposée aux autres.

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Xelias
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