Paranoïa Agent 11 "Entrée interdite"

L'épisode 11 met en scène un face à face entre Shonen Bat et la femme du commissaire (ou plutôt, de l'ancien commissaire puisqu'on le retrouve, après sa démission, ouvrier sur un chantier de BTP). Mais Shonen Bat est mis en échec par la force de caractère de cette épouse pourtant gravement malade. Plutôt que de faire de la paraphrase, j'ai préféré recopier les principaux extraits du discours de l'épouse car ils résument bien la situation et la morale de la série (même si Paranoïa Agent ne se résume de loin pas à cette morale). "Je sais qui tu es, je sais pourquoi tu es là. Je t'ai appelé, c'est ça ? C'est vrai que j'ai pensé que je voulais mourir. Que je ne voulais pas subir cette opération pour continuer à vivre. Je me trompais. C'est une erreur de vouloir mourir. Si je l'avais fait, j'aurais alors trahi mon mari. Il paraît que tu attaques sans discernement ceux qui essaient de fuir la réalité. Tu crois que tu les soulages de leur souffrance en faisant cela ? Que tu les sauves ? Assieds-toi. Je vais te dire pourquoi les humains ne sont pas si faibles ou méprisables que tu le crois. J'ai depuis ma jeunesse une santé fragile et les docteurs me disaient que je ne vivrais pas longtemps. Même après être devenue adulte, je n'osais rêver à un mariage. Et c'est alors qu'il est apparu et m'a dit ceci : "Je te prendrai comme tu es." Et aussi "Tu es la seule qui compte pour moi." J'étais heureuse, nous nous sommes mariés et nous avons mené une vie modeste. Mais cette joie fut de courte durée. Peu après nous avons appris que je ne pouvais avoir d'enfant. J'avais le coeur brisé. Comment affronter le regard de mon mari ? Mais malgré cela, il ne m'en a pas tenu rigueur. Il m'a dit : "Acceptons la réalité telle qu'elle est." J'ai pleuré dans ses bras. J'ai décidé de devenir une femme dont il n'ait pas honte. Je me souviens d'un jour où il m'a dit pendant le dîner : "Tu es vraiment la reine des cuisinières" Mais un jour se produisit un événement qui allait ruiner en un instant la vie que nous nous étions construite. Oui, c'était l'affaire te concernant. Les convictions de mon mari, tu les as piétinées et tu as attaqué ces personnes les unes après les autres comme pour te moquer de lui. Mais nous n'avons pas abandonné. Qu'est-ce que ça nous aurait apporté de nous apitoyer sur notre sort ? Nous avons pris un nouveau départ. Notre vie est devenue plus difficile. Un jour je lui ai dit : "Si seulement je n'étais plus là, tu n'aurais pas à souffrir autant." Alors d'un air sévère il m'a répondu : "Ne répète jamais ça ! Tu ne fais que te voiler la face. Il ne faut pas fuir la réalité. Ce genre de refuge n'est qu'une illusion. Quelles que soient les difficultés de la vie, nous les affronterons et les surmonterons ensemble." Tu as profité de mes faiblesses pour apparaître devant moi dans le but de me tuer et de m'offrir ainsi un salut illusoire. Mais je ne me ferai plus avoir. Je ne penserai plus jamais à mourir. Oui, la nature humaine est ainsi faite. Les humains sont capables d'affronter les pires difficultés. Tu ne peux comprendre cela, toi qui n'es pas humain. Tu tues et tu blesses des gens qui souffrent et tu t'imagines que tu les soulages ainsi. c'est d'une bassesse. Ton existence n'est qu'une illusion. Tu détournes les gens en leur offrant un répit factice. Tu es comme cette Maromi." A noter que l'opposition à Shonen Bat est double : il y a l'acceptation de la réalité (Je te prendrai comme tu es) mais aussi l'abandon à l'autre, le refus de l'individualisme égoïste (Tu es la seule qui compte pour moi). Ce sont ces deux travers de la société japonaise contemporaine (et de toutes les sociétés "post-modernes) que Satoshi Kon vise à travers cette série : le refus de la réalité au profit de monde imaginaires; et le repli sur soi qui va de pair avec l'absence de confiance en l'autre.