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Xelias
19 décembre 2007

Pazienza - Comolli (3/3)

tableau_chutes3e film visionné : Tableau avec chutes, 1997 "Un ciné-journal drôlatique pas tout à fait intime ni outrageusement public. Après avoir été vérifiés, décortiqués, polissés et calibrés, vos yeux découvrent un inénarrable tableau et quelques figures d'un indicible pays. Le tableau c'est "Paysage avec la chute d'Icare" peint par Pieter Brughel vers 1555. Le pays, c'est la Belgique. Entre les deux, un réalisateur, des chômeurs, des psychanalystes, des philosophes, des Présidents de partis ... un Premier Ministre se questionnent assidûment sur un sujet: qu'est-ce donc que REGARDER? Docte question aux multiples ramifications à laquelle le film veut répondre simplement et avec la complicité d'un invité d'honneur: Icare en personne." Ce film est antérieur aux deux précédents, mais on y trouve déjà la père de Claudio Pazienza comme acteur-cobaye pour des scènes plus ou moins loufoques. Deuxième conversation. Comolli : Le premier constat, c'est qu'une attente est déçue, qui est celle suscitée par la question que tu poses à tous tes interlocuteurs. Pazienza : J'avais comme prémisse cette volonté d'essayer la question du sens, du récit et du réel. Avec ce film, il y a l'impossibilité de jouir d'une conclusion. Cette jouissance d'aboutir à une conclusion, à quoi mène-t-elle d'autre qu'au bouclement d'une démonstration, alors même que j'essaie d'échapper à cette boucle ? Je me questionne sur la raison de cet inachevé. N'y aurait-il pas un piège à courir le risque de la démonstration ? Le sujet du film devient plus le fait de se lancer dans un questionnement que sa résolution. Comme l'a écrit l'historien Bloch : "Le monde n'est qu'interruption." Je n'en sais pas plus et je n'ai rien trouvé de mieux que de dire que je n'en sais pas plus. À travers le pathétique ou le loufoque, quelque chose se fissurerait et introduirait un tremblement, pour échapper à cette "blasitude" qui moi me menace. Je trouve que l'effet est plus fort du côté du fragment que de la mélodie achevée. C : Dans "Tableau avec chutes", tu rencontres des hommes politiques, des voisins, tu parles de peinture, de mythologie, de la Marche Blanche… Le film brasse toutes sortes de choses. On se retrouve dans un monde entier qui restera le tien mais qui est très large, qui brasse les niveaux, les registres, les contraires. C'est un film de rencontres. Une rencontre sérielle. Les corps sont convoqués. Mais ces rencontres ne produisent pas de la rencontre au sens fort, dans la mesure où tu disais, dans "Esprit de bière", qu'une rencontre change la personne. La place du corps filmé est porteuse de la question : le corps revient mais n'est pas changé. Donc il n'y a pas eu de rencontre… Le tableau atteste que la rencontre ne peut avoir lieu. C'est une dialectique très retorse. Tu es à la recherche d'une réalité qui est toujours repoussée à la prochaine rencontre. P : Le dispositif du film a quelque chose de sévère qui empêche à la rencontre de faire tache. On est vite pris au piège de la position de force du réalisateur qui fait correspondre les personnages à l'image qu'il s'en faisait. Il y a un plaisir un peu malsain d'avoir cette maîtrise de l'image de l'autre. Levinass écrivait : "Regarder, c'est être responsable d'autrui." En filmant, c'est encore plus juste. Là où je suis le moins mal à l'aise, c'est quand je sens que ce qui se passe de la rencontre peut avoir lieu dans le fragment. C : En même temps, quand on filme un homme politique, il faut mettre en avant le rapport de force. Face au pouvoir de l'homme politique, il faut affirmer le pouvoir du cinéma. Il y a une séduction de la parole. P : Après coup, on se rend compte qu'en regardant à la suite ces trois films, il y a quelque chose de l'ordre de plusieurs épisodes du même film. La démarche que je poursuis est la suivante : Que se produit-il dans une non-dialectique, quand on lit le monde par la loupe de Blachot ? de Bataille ? Je ne dirai pas que le fragment a été mon refuge mais la lecture non dialectique est autrement sensuelle, sans filet. Non pas échapper à des grilles de lecture du monde, mais quelque chose s'est produit dans cette possibilité de donner corps à cette rencontre sous d'autres formes. Je n'ai pas une proposition à défendre, à illustrer à travers mes films.
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Xelias
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