La vie dans un collège de banlieue (6/7)

Sixième Partie : l'art du blâme Ce qui est bien au collège, c 'est que j'ai rarement rencontré des gens qui... Ils sont toujours sensibles soit à un bon mot, soit à un truc qui les intrigue. Par exemple quand j'ai dit à Eric : "Alors, vous allez à un concours de brushing ?" Il s'est arrêté tout net parce qu'il avait pas compris mais il avait compris que c'était un peu drôle, alors il est revenu pour savoir... Moi : T'as pas dit ça hier. C : Si, ben si... Moi : Hier c'était : "Vous courez derrière votre brushing?" C : Ouais je sais plus ce que j'lui avais dit. C'était : "Vous courez à un concours de brushing?" ou "vous courez derrière votre coupe de cheveux?" Mais il est gentil, j'aurais pas osé ça avec n'importe qui, et puis il a un peu d'humour, quoi. Mais, mais c'est... C'est vrai que... Moi : Et il a dit quoi ? C : "Yoh, madame c'est pas drôle." Je dis : "Mais si c'est drôle, vous savez bien. En plus, c'est fondé, la preuve, ils ne riraient pas comme des baleines." Mais nan nan, ils étaient... Moi : Mais est-ce que, finalement, par l'art de la réplique, et l'art du blâme, tu utilises leurs propres armes, seulement que toi tu maîtrises mieux qu'elles, qu'eux. C : C'est même pas qu'ils les maîtrisent moins bien, c'est qu'ils le maîtrisent pas du tout. Moi : Ils le maîtrisent pas, mais en même temps, t-y'a bien des "battles" de répliques, d'injures. C : He ben ça j'aimerais voir parce que, j'espère que les protagonistes ne viennent pas de, de... Parce que Moi : Attends, Eminem et tout ça. C : Enfin Eminem il est navrant Moi : Nan, nan, je voulais dire que les propres armes, les propres valeurs chez eux, l'art de la réplique et de l'injure, et de machin, c'est avec ça que tu les bats. C : Je sais pas parce que ça, je crois que c'est une image qu'on a mais qui est absolument faussée. Moi je n'ai jamais rencontré... Si j'en ai rencontré un, une fois... Jamais j'ai rencontré un gamin qui était capable de me répondre... Moi : Nan, pas toi, entre eux. C : Mais même entre eux ils sont, ils sont misérables. C'est... Enfin, c'est une image qu'on a, euh, mise par Djamel et compagnie, tu vois, enfin... Face à quelqu'un qui a un peu de culture et qui sait parler, ça se termine vite en "Vas-y lâche-moi." Tu vois ? Au bout de trois répliques parce que, il y a un moment, ben, ça va trop vite, tout simplement pour leur petit cerveau. tu dis des choses simples, quoi, mais même, il suffit de monter le ton vers la fin de la phrase et ils n'ont pas compris, ils s'épuisent à chercher "Mais euh... " comme ça. "Qu'est-ce que tu dis ? Ca n'a pas de sens, là je crois." Donc si tu utilises à la fois une autorité ou "non on ne va pas rigoler." et ensuite "ben ouais, j'ai vu des films mon gars." Ben ils sont détruits, c'est des vilaines choses. Mais quand tu regardes Eminem, sa "battle" elle est grotesque. Moi : Moi j'ai vu que le film... C : Mais le film c'est ridicule, tu parles d'une battle, quoi. C'est "bonjour, vous avez déjà fait une dictée, tout ça ? Non, ah ben oui je me disais aussi." C'est pareil, enfin, chez nous ils lisent pas, comment veux-tu qu'ils sachent... Des fois ils ont des saillies qui sont un peu drôles, je suis d'accord, c'est des fois, mais en général ça dure...