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Xelias
28 juillet 2008

Avoir des amis hétéro : est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? (3/4)

RacedEpLa soirée commencé par la projection de Race dEp, une sorte de docu-fiction du cinéaste militant homosexuel Lionel Soukaz de 1979. SoukazLionel Soukaz est une sorte d’OVNI dans le paysage cinématographique français, réalisant depuis de nombreuses années des films fauchés et intransigeant, provoquant la censure sur terrain et l’acculant dans ses contradictions, proches du FARC, de Guy Hocquenghem et autres militants des années 70.

Le film en question, Race d’Ep, n’avait pas grand chose avec le thème de la soirée mais il valait la détour et c’est grâce à lui que je n’ai pas regretté entièrement ma soirée… Le film se veut une évocation vivante du XXè siècle considéré comme le siècle de la Race d’Ep ( = pédéraste en verlan…).Image_1 Le film se concentrait sur 4 étapes du siècle : la fin du XIXè siècle avec les photographies érotiques du Baron van Gloeden ; les années 30 en Allemagne avec le cabinet du sexologue Magnus Hirschfeld, pionnier de la cause des homosexuels; l’euphorie de la libération sexuelle des années 60 ; enfin 1979 et le quotidien des gays des grandes capitales comme Paris entre drague et conscience politique. Le principe du film est de proposer pour chaque période une sorte de séquence de docu-fiction mêlant scènes de fiction avec acteurs et recours à des archives et des documents. Et chaque période est racontée par un des personnages de l’action : pour la séquence 1, Lionel Soukaz imagine les souvenirs d’un des modèles du baron devenu vieil homme et se souvenant des séances photo. Pour la séquence 2, c’est la secrétaire du Professeur qui raconte le jour où des militants nazis ont mis à sac son cabinet de recherches. Pour la séquence 3, c’est un jeune Américaine épanoui dans sa sexualité qui évoque ses voyages en Europe, les rencontres, le sexe joyeux, les partouzes… Et enfin, la séquence 4 raconte la nuit que passent un gay parisien et un Américain de passage à Paris, en attendant son avion : ils se rencontrent dans un bar gay où l’Américain tombe par hasard et ils passent la nuit à discuter tout en se baladant dans le petit jour de Paris, entre drague et méfiance.

RacedEplivreVisuellement le film est très fort. Tourné à l’emporte-pièce avec les moyens du bord, il évite toutes les lourdeurs dans la reconstitution grâce à un rythme très rapide (mais avec une tonalité différente pour chaque épisode) et il dérive de temps en temps vers le clip (surtout pour la séquence des années 60) avec un montage hyper-rapide et jouant de boucles musicales de documents d’archives, photos, etc. Ca donne une sorte de maëlstrom d’images, d’air du temps considéré comme un grand zapping d’images de toutes sortes : affiches, images pornographiques, couvertures de livres ou de revue… C’est vraiment à ça que Lionel Soukaz cherche à arriver : non pas réaliser un documentaire classique et extérieur sur le mouvement gay, mais re-donner vie à ces différents moments historiques en mettant en avant l’univers visuel, musical, historique, idéologique dans lequel ils s’insèrent.

Et c’est à ce niveau que joue tout particulièrement le principe des voix-off. À chaque époque sa voix, écrite avec un soin tout particulier pour donner un aperçu de l’intérieur de l’esprit du temps, sans esquiver les contradictions des personnages. Pour la séquence 1, il donne la parole à un ancien modèle (ceux qui justement n’ont pas droit à la parole dans les photos du Baron, étant de simples supports à des fantasmes de l’aristocratie européenne). Image_2Donner la parole à Van Gloeden aurait été trop ambigu car il aurait été tenté de justifier ses photos pour des raisons esthétiques, alors que cette ambiguïté passe mieux quand on revoit les photos du point de vue des ragazzis. La séquence 3 est également admirable : certains sur Internet ont reproché au film de filmer cette époque sans parti pris politique, sans mémoire alors qu’il n’a fait qu’épouser l’esprit de cette époque et que la juxtaposition de cette séquence avec celle qui précède (les nazis faisant irruption dans le Centre de recherches) est d’autant plus signifiante. Et le discours du jeune homme qui parle en voix-off laisse suffisamment d’indice pour que le spectateur comprenne que Lionel Soukaz n’est pas dupe sur le fait que cette libération sexuelle ne valait que pour les riches blancs du monde occidental… Et la quatrième partie voit culminer ce procédé romanesque par excellence de la polyphonie en faisant alterner deux voix-off : celle du gay parisien et celle du représentant américain, l’Américain analysant assez finement la situation, et le gay racontant la soirée à un ami à lui en se donnant le beau rôle (ses paroles étant contredites par les images).

Bref, ce n’est pas seulement filmé avec finesse et un impressionnant sens du montage, c’est aussi écrit avec un remarquable sens historique et psychologique.
Image_3
Une fois le film terminé, on pouvait passer au débat proprement dit. Enfin !

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Xelias
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