Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Xelias
24 août 2008

Une soirée presque ordinaire (1/3 : le décor)

Le décor dit tout de l’homme Plus vraiment un village, pas encore une ville. Le long de l’une des rues principales - encore au centre ou déjà dans un lotissement ? - , entre quelques immeubles proprets, des prés et d’autres vieilles maisons. Une ancienne grange, des cages à lapins, un grand jardin et une banale maison alsacienne avec meubles de chênes, papier peint beige à motifs, tableaux sans goûts, photos de famille et confortable canapé de cuir dans le salon. De décor naissent peuvent naître trois types d’adolescents : les Alsaciens fiers de l’être, cheveux courts, épaules carrées et joues rouges, riant fort, d’une bêtise revendiquée et cependant finaude, dignes successeurs de leurs pères ou de leurs mères. Il y a les frêles, les mous, les translucides, exsangues silhouettes sans personnalités, trop faibles pour assumer comme pour rejeter leur héritage, n’écoutant rien, ne lisant rien, ne s’intéressant à rien, se laissant porter par leurs études et par leur famille du mieux qu’ils peuvent, à peine rencontrés et déjà oubliés. Et puis il y a les freaks : punks, gothiques, no-future et autres rebelles des années 80 en voie de disparition face à la culture MTV et au déferlement du « fashion » qui absorbent toutes les énergies. Ceux qui restent haïssent la banalité de leur vie, de leur famille, de leur maison, se cherchant désespérément une identité moins terne, ne serait-ce que dans l’excès et le refus, provocant leurs parents par tous les moyens mais ne rencontrant que les rondeurs du ventre Kronenbourg affalé sur le canapé trônant devant la télé. Et puis il y a Cyril. De l’espèce des freaks, sans aucun doute, mais bien plus que cela. Sous la tente de jardin est suspendue à l’aide de ce fil de fer gainé de plastique vert dont on fait certains grillage une multitude de petits objets sortis des vieux coffres à jouets pour un petit carnaval de l’horreur. Le corps transfiguré Il y a d’abord ce corps : un corps lourd, massif et pourtant agile, avec cette bonne tête ronde et rayonnante de santé du bon Alsacien qu’il ne voudrait pas être. Mais un corps transfiguré : marqué, modifié, gratté, torturé dans une performance de la sur-identité. Piercing à l’oreille gauche, anneau d’extension et piercing sur la courbe de l’oreille droite, d’autres bouts de métal dans l’arcade sourcilière gauche, à la lèvre, sous la lèvre et sous la langue, et anneau dans le nez (pour ne parler que du visage…). Les bras et les jambes tatouées d’étoiles pour chacun des pays qu’il a déjà visités. Puis il y a son look d’improbable dandy métalleux, de fashion victim trash, de gay qui fait peur : béret british sur la tête assorti à son pantalon court en toile à rayures à carreaux, une chemise noire à manches courte sur laquelle est enfilée une deuxième chemise à manche courte, plus proche du look bucheron avec ses carreaux noirs et gris. Une cravatte des plus flashy à rayures blanches et rouges. Des baskets multicolores à dominante rose et d’épaisses chaussettes vertes qui s’accordent parfaitement avec le vert du caleçon en tissu synthétique qui déborde largement du mantalon. Tel était à peu près le look de Cyril ce soir-là.
Publicité
Commentaires
Xelias
Publicité
Publicité