Une journée dans ma vie (3/5)

Puis vient le temps de la culture. La culture n’est-elle pas le propre du temps libre, de ce détachement du monde pratique et matériel caractéristique du vrai loisir ? Le noble ennui, c’est aussi un livre d’art que l’on feuillette négligemment, un musée aux salles vides où les pas résonnent, la contemplation un peu distraite de vieux tableaux muets, la lecture aussitôt oubliée des cartels d’explications. Ce jour-là cependant, ce n’est pas sans une pointe d’excitation que je suis sorti de mon avarice légendaire pour m’offrir ce Détail, cette Histoire rapprochée de la peinture par Daniel Arasse, que je viens de lire en édition de poche. Un livre sur le détail en peinture aux minuscules illustrations sans couleur, c’était vraiment trop absurde pour mon esprit pourtant bien conciliant. La fréquentation de l’art a toujours supposé de ma part une attitude contradictoire. Du fond de mon ennui, de mon attachement pour mon ennui, je suis sans passion. Certes, au plus fort de mes études, de mes lectures et de mes réflexions, « j’ai vu quelques fois ce que l’homme a cru voir » et de ces visions fugaces, j’ai retenu, je crois, une certaine habileté à exprimer de la sensibilité artistique, un certain sens de l’art et de l’histoire ou encore une certaine volonté d’intelligence. Mais de mes études de bon élève studieux me reste aussi un indécrottable éclectisme qui me fait tout apprécier et ne rien aimer. Il s’agit de cette intelligence à la fois subtile et faible, développée par l’ennui, symptôme des esprits et des temps décadents.