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Xelias
24 mai 2009

The Wire

Comme beaucoup, grand consommateur de séries américaines – un peu au hasard de ce que M me sélectionne et de ce qu’on peut trouver sur Internet. L’addiction est vite là, dévoreuse de temps, et on essaie de se justifier en se disant qu’un jour ou l’autre on fera un billet sur le blog (et de compenser en n’arrêtant pas les classiques sur dvd). Les dernières en dates : Dexter (j’ai réussi à m’en détacher au cours de la saison 3 !), In Treatment (cure interrompue pour le moment), The United States of Tara (un peu plus « série à l’ancienne » mais pas inintéressante) et la dernière révélation : The Wire. Petit buzz sur Internet : d’aucuns la considèrent comme la meilleure de HBO depuis les Sopranos et en attendant les suivantes… Entre les petits déjeuners, les soirées avant de m’endormir et quelques séances plus longues, je suis venu à bout des 5 saisons. Bilan : est-elle du niveau des Sopranos ? A voir… Dans tous les cas, elle marque un tournant et ouvre d’autres perspectives, inconnues jusqu’alors et suivies par d’autres si j’en crois certains (Intelligence, The Border…).

1ère impression

Au début, j’ai cru à une simple série policière. Le concept : à chaque saison son enquête, à chaque fois sur un autre milieu de la ville de Baltimore, et toujours autour d’une même unité policière spécialisée dans les écoutes téléphoniques et les filatures à long terme. Pourquoi pas. C’est intéressant, très réaliste, on suit à la fois les gentils et les méchants sans qu’il n’y ait de véritable personnage principal. Première saison : un réseau de trafiquant de drogue dans une banlieue noire de la ville. Deuxième saison : le trafic de prostituées immigrées dans les docks. Etc.

Tout cela bien réalisé, très terre-à-terre : on est loin des « sur-fiction » de Dexter, 24Heures ou encore les Experts… Un peu trop peut-être ? J’avais un peu peur que ça ne décolle pas, que l’intérêt de la série ne réside uniquement sur la jubilation du spectateur de suivre à la fois les gentils et les méchants, d’être du côté des policiers quand la caméra les suit, et de trembler pour les trafiquants quand le récit passe de l’autre côté…

2ème impression

En prémisse dans la Saison 2 et de manière éclatante à partir de la Saison 3, la série prend une autre tournure. Le principe « une saison, une enquête » éclate complètement au profit d’autre chose. La série prend vie – ou plutôt : la ville prend vie. On suit les personnages qui nous en fait découvrir d’autres un peu comme au jeu de Marabout-Bout de ficelle, et on finit par suivre des personnages de tous les milieux sociaux de Baltimore, depuis le futur nouveau maire de la ville jusqu’au jeune revendeur de drogue qui tient son coin de rue. On pourrait dire alors : « une saison, un milieu » puisqu’une nouvelle strate s’ajoute à chaque nouveau début de saison : les trafiquant de drogue, les docks, le milieu politique autour de la mairie, une école très défavorisée qui fait ce qu’elle peut pour donner des cours, et pour finir, le fonctionnement du journal « Baltimore Sun ».

Mais dire ça est encore insuffisant car les strates précédentes ne disparaissent pas à chaque nouvelle saison : même si, bien sûr, il y a des personnages qu’on suit plus que d’autres en fonction des épisodes et des saisons, la structure est plus celle du réseau qui s’étend que celle des chapitres qui se suivent. C’est une fresque foisonnante, certes limitée à une ville, mais avec la volonté impressionnante de radiographier le fonctionnement d’une ville à une époque contemporaine, sans  a priori moralisateur (il n’y a pas de « bons » et de « méchants », juste des hommes avec des principes différents et qui font ce qu’ils peuvent) et surtout avec une très grande connaissance du terrains (les deux auteurs de la série ont été journalistes au Baltimore Sun et policier dans la ville… et j’ai cru comprendre qu’ils avaient eu des difficultés dans les autorisations de tournage… ce qu’on peut comprendre !

L’ampleur du projet suffit : aucune emphase, aucun lyrisme dans la réalisation ou la caractérisation des personnages, à quelques exceptions près et qui font le charme de la série (le personnage d’Omar Little, truand solitaire, homosexuel et plein de panache, quelques fin de saisons qui, en musique, un peu comme un clip, nous montrent rapidement les différents lieux et personnages qui coexistent dans la ville…). On n’est pas dans les Sopranos : il n’y a pas de mythologie urbaine, pas de personnages « plus grands que nature » mais malgré tout dans un projet romanesque «  à la Balzac », à la Zola ou à la Jules Romains dans Les Hommes de Bonne volonté.

3ème impression

Au fil des saisons, un grand plan se dessine. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été écrite pour 5 saisons et pas plus (alors que décrire la vie d’une ville pourrait ne pas avoir de fin). Mine de rien, le titre The Wire finit par se justifier et la boucle commencée avec la première saison finit par se boucler dans la cinquième. Un peu comme les Rougon-Macquart de Zola qui n’est pas seulement une description exhaustive de la société sous le Second Empire, mais aussi le roman d’une famille avec un début et une fin.

On arrive ainsi à une super-structure du genre (attention spoiler !!) :
Saison 1 : création de l’unité anti-crime et première enquête
Saison 2 : 2ème enquête de l’unité, nombreux succès
Saison 3 : dissolution de l’unité pour des raisons politiques
Saison 4 : la ville change de maire, les condition sont réunies pour que l’unité se reconstitue
Saison 5 : l’unité ne se recrée finalement pas, mais au prix de moyens détournés, l’enquête principale de l’unité finit par aboutir (mais pas aussi bien qu’elle l’aurait voulu).

Conclusion

L’efficacité de l’unité anti-crimes se heurte à la « réalité » des contraintes financières et des jeux politiques (j’allais dire : « magouilles » mais ce serait beaucoup trop réducteur face à à la complexité d’une situation où les magouilles ne sont pas moins présentes dans la police, ou même dans les relations entre trafiquants, que dans la politique. Et ce n’est pas non plus que « tout est pourri », c’est juste la vie d’une ville américaine dont on peut citer cet extrait de l’article Wikipédia à ce sujet :

“Le département de police de Baltimore et plus généralement les premières forces de police à Baltimore apparurent en 1784. Aujourd'hui, les services de police emploient 4 000 personnes et constituent la 8e police municipale des États-Unis en terme d'effectifs57.
Malgré cela, la criminalité de la ville reste traditionnellement très élevée. Selon des statistiques du FBI de 2003, la criminalité sur les personnes était 2,9 fois supérieure à celle de la moyenne des États-Unis alors que la criminalité contre la propriété l'était de 32 %58. Baltimore est par exemple la ville où il y a le plus d'homicides entre afro-américains (Black On Black Crime) dans tous les États-Unis et également la 12e ville la plus dangereuse du pays avec 1 754,5 crimes pour 100 000 habitants selon une étude menée par CNN en 200659.”

(à ce propos, je ne peux que renvoyer à l'article The Wire du même site…)

La série se conclut avec la fin de l’enquête de l’unité anti-crimes mais toutes les pistes restent ouvertes : le maire continue sa carrière politique, les policiers sont sur d’autres enquêtes, les réseaux de drogues se reconstituent… Bref, la vie continue, rien n’a vraiment changé, si ce n’est que des hommes ont vécu mais que rien ni personne ne changera la face du monde…

Si gangrène il y a, selon le film, ce serait la drogue, les trafiquants de drogue et surtout l’argent de la drogue qui remonte des rues jusqu’aux projets immobiliers et la vie politique de la ville et de l’Etat. Mais au-delà de la portée sociale et politique de la série, The Wire a le mérite de montrer que tout cela forme un corps organique, que tout tient ensemble : tout le monde est déterminé par ses origines mais chacun peut changer, le mal existera toujours mais la politique a les moyens de faire évoluer la société, la corruption a raison de tout mais il y aura toujours des hommes pour tenter de faire triompher la justice, et pour finir : il n’y a pas de salut mais il existera toujours des histoires à raconter…

Et si on veut une belle éloge de la série, il y l'article de Télérama ici.

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