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Xelias
3 avril 2010

Comment j'ai appris à ne pas m'en faire et à aimer MTV

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Je me suis amusé à regarder des chaînes musicales le matin quelques jours de suite, en zappant un peu à chaque fois, et le constat fut assez effrayant. D’un jour à l’autre, et quelle que soit la chaîne, les mêmes clips passaient en boucle, une trentaine, à peine plus peut-être. J’avais l’impression d’être dans le film «Le jour de la marmotte» où le héros est condamné à vivre le même jour chaque matin... Ou alors dans un film de science-fiction sur une société totalitaire où, quelle que soit la chaine de télévision, le personnage tomberait sur exactement le même programme. C’est assez effrayant, et pourtant ça n’a pas l’air d’effrayer grand-monde...

Comment en sommes-nous arriver là ? A une telle uniformisation des goûts populaires en matière de musique? A une telle mondialisation, à une telle concentration, à une telle pauvreté de l’offre musicale ? Et tout cela n’a pas plus de cinquante ans ! Avant 1950, seuls quelques personnes exceptionnelles (Caruso, Charlot, Greta Garbo et autres actrices de cinéma) avaient accès au statut de stars internationales. Aujourd’hui, quel que soit l’endroit de la planète où l’on se trouve, on est en droit d’attendre -que dis-je ?, d’exiger de n’importe quelle personne qu’elle connaisse et apprécie Mickaël Jackson, Britney Spears et Madonna.

Que s’est-il passé ?

Revenons au tout début. Elvis Presley. Il est le premier, et il reste toujours l’un des trois plus grands succès mondiaux (avec les Beatles et Mickaël Jackson). Sa carrière a été fulgurante : Sam Philipps, des studio Sun Records, l’entend pour la première fois en octobre 1954, et en 1956, Elvis décroche 48 disques d’or et déclare 22 millions de dollars au fisc...

Mon hypothèse, c’est que son succès correspond aussi à un appel d’air créé par des facteurs techniques : l’invention du 45 tours et de juke-box d’une part, et surtout l’invention de la télévision qui devient un média populaire aux Etats-Unis dans les années 50. A cela s’ajoutent les conditions de l’après-guerre : le désir de se divertir, de penser à autre chose (que la guerre et que la guerre froide), le rejet d’une grande partie de la jeunesse contre la société conservatrice et guerrière de leurs parents. Les conditions techniques et culturelles pour l’avènement de la société du spectacles étaient là. Elvis, avec son déhanchement suggestif et sa voix suave, avait tout pour devenir une star et son manager, le «colonel Parker», allait faire le reste. Transformant à jamais le monde du show business.

La deuxième vague du rock (Beatles, Rolling Stones et compagnie) vont reprendre la voie ouverte par Elvis en allant plus loin : plus loin dans l’attitude de révolte, plus loin dans les tournées mondiales (Elvis n’a fait qu’une seule tournée hors des Etats-Unis, pour le Canada...), plus loin dans les phénomènes d’hystérie collective, plus loin dans l’utilisation des médias. La mondialisation de la musique et du rock est acquise désormais : le rock d’Elvis, encore lié à la gloire des Etats-Unis après leur victoire en 1945 et à la présence physique des Américains en Europe, a laissé la place au rock anglais, plus arrogant et moins puritain.

Les phénomènes d’hystéries collectives demeurent pour moi encore le grand trou noir de cette mondialisation musicale. La situation était telle pour les Beatles qu’ils décidèrent d’annuler complètement le principe des tournées en 1966. John Lennon : « Je suis sûr qu'on pourrait envoyer quatre mannequins de cire à notre effigie et que les foules seraient satisfaites. Les concerts des Beatles n'ont plus rien à voir avec la musique. Ce sont de foutus rites tribaux ». Comment naît un phénomène pareil ? Que se passe-t-il exactement lors d’une scène d’hystérie collective ? A quelles frustrations, ou à quelles aspirations cela renvoie-t-il ? Est-ce de l’ordre d’un retour du refoulé religieux ? Est-ce une compensation contre une vie que l’on sait inconsciemment être vide et médiocre ? J’aurais tendance à dire qu’il y a là quelque chose comme une «catharsis» face à l’aliénation de la société de consommation, comme une sur-fétichisation de l’art dans une société industrielle (le retour du tribal, de l’idolâtrie, dans la modernité, pour se cacher la vérité «commerciale» des objets qui nous entourent). C’est un phénomène limite, car il peut s’avérer très dangereux, destructeur, mais c’est un phénomène-clé, indissociable de la production désormais industrielle des stars dans une société de consommation.

L’année 1981 marque une nouvelle étape dans le raz-de-marée «pop» sur le monde. MTV : la première chaîne télévisée entièrement consacrée à la diffusion de clips musicaux. Aujourd’hui, le groupe MTV est présent sur toute la planète avec tout un bouquet de chaînes MTV Base, MTV-2, MTV Pulse, MTV Idol, etc. C’était déjà en grande partie le cas avant, mais désormais l’image devient essentielle dans la commercialisation d’une chanson à l’échelle mondiale. Autrement dit, un chanteur qui n’a pas l’argent nécessaire pour faire réaliser un clip et qui n’a pas la force de frappe médiatique pour faire passer son clip à la télévision n’a quasiment aucune chance d’obtenir un grand succès international. C’est avec MTV que le troisième plus grand succès international accède, justement, à son statut de star incontestée : Mickaël Jackson.

Et il va y mettre les moyens : Thriller, premier clip conçu comme un vrai petit film (et d’une durée je crois inégalée), Scream, estimé comme le clip le plus cher jamais réalisé ($7 millions...). Je pense qu’on peut dire sans trop se tromper que le succès de Mickael Jackson est dû autant à ses clips et à son image qu’à sa musique en elle-même, sinon plus. Avec MTV, l’industrie du disque devient un business exigeant des millions et des millions de dollars pour en assurer la promotion, entraînant à la fois une réduction du nombre d’artistes ayant accès à ces capitaux, et une «récupération» incessante de nouveaux talents venus de la rue qu’il ne faut surtout pas laisser en dehors du «système».   Quatre «Majors» se partagent 71,7% de parts de marché sur le marché mondial de la musique : Universal, Sony, EMI et Warner.

Et maintenant ? Maintenant, on est passé à l’ère Internet. Youtube, PeerToPeer et MySpace. Internet comme possible remise en cause de la suprématie des Majors : en permettant à des musiciens d’accéder à un public directement, sans passer par des entreprises capitalistes, en faisant de la place pour une nouvelle diversité musicale... Mais Internet, c’est aussi le moyen pour les stars de conforter leur suprématie et d’assurer une célébrité mondiale et immédiate pour leurs nouveaux tubes, accélérant ainsi encore l’enchaînement des succès, des modes plus ou moins éphémères et des nouveaux succès.

On se souvient (presque comme un événement lointain!) du buzz autour du clip de «Put a Ring on It» de Beyoncé en 2008. Je cite Wikipedia : «Cette œuvre a une dimension de manifeste dans la mesure où elle a été suivie d’un mouvement de reprise sans précédent. De plus, le phénomène qui l’accompagne vient mettre en évidence certaines évolutions amorcées par l’avènement de l’Internet participatif. Ainsi, selon Rick Sznajder du Toronto Star, “Single Ladies” est “un phénomène qui est devenu la première danse majeure du millénaire et de l’Internet”» Et d’après ce que j’ai pu trouver, toujours sur Wikipedia, le clip de Bad Romance de Lady Gaga vient de dépasser Girlfriend d’Avril Lavigne avec 141 millions de vues sur Youtube contre 130...

L’accès à Internet est de plus en plus considéré comme un bien public mondial, presque au même titre que l’accès à de l’eau potable. Au nom du droit à l’éducation et du droit à l’information, des milliers de petits Péruviens, de petits Africains, de petits Asiatiques, qui jusque là vivaient dans leurs villages presque coupés de tout, vont délaisser leurs jeux rudimentaires pour surfer sur youtube. Certes, qui suis-je pour critiquer ce mouvement ? n’ai-je pas, moi, un accès illimité à Internet, que je mets à profit pour aller sur youtube, megavideo et deezer ? D’ailleurs, je ne critique rien : je relève juste cette conquête d’Internet jusqu’aux lieux les plus reculés de notre planète, comme l’ultime étape de mondialisation et d’uniformisation de la culture et de la musique...

Post-Scriptum :
Ca n’est pas en rapport direct avec la musique, mais voici quelques copiés-collés d’un article du site «Nations Unies : chroniques» :
- «Coca-Cola s’est associée au programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin de réduire le fossé numérique en Malaisie»
- «En Chine, le premier « centre Coca-Cola d’apprentissage par Internet » a été ouvert dans une école primaire de la banlieue de Beijing.»
- «La société a également récemment collaboré à un projet Internet d’une « chaîne d’unité» où près de 49 000 personnes de 179 pays ont partagé leurs messages personnels d’espoir et d’optimisme par l’intermédiaire d’une chaîne humaine virtuelle tout autour de la planète.»

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