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Xelias
25 août 2011

Le Plaisir, Max Ophüls (1952)

Quelques pensées autour du film, en désordre et en fragments.

La douce ironie de la Maison Tellier, que nous raconte un narrateur plein d'indulgence pour cette humanité faible mais touchante, et capable de grâce. Un réalisateur omniscient, sorte de Dieu qui observe ses créatures, avec tout ce que cette posture peut avoir de hautain et d'un peu dépassé.

Cette posture donne forme au film : c'est cela qu'il faut retenir, plus que le texte du narrateur. Le sketch, et tout le film, pourrait tout aussi bien s'appeler la Ronde que le Plaisir. Ronde de la caméra qui virevolte autour de la Maison et autour des personnages, ronde de la structure qui répète à l'envi la forme ABA :

- la chanson "Ma grand-mère" qui s'interrompt pour le "plus près de toi" avant de reprendre

- les scènes à la Maison qui encadrent la sortie à la campagne

- et le sketch de la Maison Tellier lui-même encadré par deux sketch plus courts et plus sombres.

A-B-A : ce procédé est aussi celui d'une ironie toute flaubertienne. Tout recommence, rien n'a changé dans cette Maison Tellier. Le moment de grâce ne fut qu'une parenthèse, la vie continue et les spiritualités les plus élevées n'empêchent pas moins les filles de redevenir des filles, sans que tout ces contrastes (nuit/jour, intérieur/extérieur, ville/campagne, sexe/religion) ne les aient finalement si marquées que cela. La morale, c'est qu'il n'y a pas de morale, la ronde continue, qu'elle soit danse des amoureux, danse des filles avec les clients et danse macabre.

A-B-A, mais aussi retable : ce qui encadre vient contredire, approfondir et complexifier le propos du tableau central. La beauté et la grâce de la sortie à la campagne de la Maison Tellier, encadrés par les spectres du désespoir, de la vieillesse et de la mort. Le propos du film se constitue par le lien entre ces trois films.

Alors oui, ça cabotine, avec du comique parfois un peu lourd. Oui les images des femmes et des hommes sont datées, et peu intéressantes finalement. Mais c'est le mouvement qui intéresse Ophuls plus que les portraits, les trajectoires, les destinées (selon que l'on parle des mouvements de caméra, de la structure du film ou de sa morale). Pas les psychologies : d'ailleurs il n'y en a pas dans la Maison Tellier, et si peu dans les deux autres sketches (ce sont des types, plus que des individus).

Ce que l'on peut considérer comme une faiblesse pour les deux sketches courts (manque de profondeur, manque d'intérêt pour ses personnages réduits à quelques traits) - et qui est aussi, peut-être, la grande faiblesse de la Ronde -, prend un relief tout particulier dans la Maison Tellier, avec ce portrait de groupe où les psychologies non seulement ne sont pas approfondies mais en plus n'ont aucune incidence sur l'histoire.

Le cinéaste comme virtuose formaliste, et c'est cette forme, justement, qui vient créer la signification, quitte à se désintéresser de ce qu'elle représente. Finalement, c'est un cinéma très peu narratif !

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Xelias
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