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Xelias
7 septembre 2012

Hétéroclite et hétérogène (médias et cinéma, 2 ½)

Notes complémentaires au texte précédent : pas d'image cette fois !

 

Hétéroclite et hétérogène, tel est le monde aujourd’hui. Il n’y a pas « les gentils » et « les méchants » avec un traître de temps en temps, mais des personnes, des entreprises ou des institutions aux intérêts parfois convergents, parfois contradictoires.

Cette affirmation, qui paraît scellée du sceau du bon sens, est pourtant rarement partagée. C’est le syndrome du « tous-pourris », ou du « tous dans le même panier » : les politiques, les médias, les entreprises capitalistes, tous sont du même côté. C’est une chose à laquelle les Yaggueurs doivent être sensibles : face à telle ou telle prise de parole homophobe (d’un prêtre, d’un homme politique, d’un homme de média), on peut généralement lire les commentaires de ceux pour qui « tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous » et pour qui les médias, les hommes politiques ou les religieux seront de toute éternité les ennemis des LGBTI. Et il y a ceux qui sont plus sensibles aux logiques propres à chaque groupe d’intérêt. Et du coup le rapport des médias, des politiques ou des religieux peut évoluer, se diviser, se retourner. Là encore, c’est souvent affaire de communication.

La réalité est donc loin d’être aussi simple, et c’est tout le contraire de l’angélisme que de penser qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier.

Tel est le monde aujourd’hui et tout film qui aborde ces sujets se doit d’y être sensible – même un film populaire, même un divertissement. Cette hétérogénéité du monde ne concerne pas que les médias, bien sûr, mais intégrer la sphère médiatique à son scénario entraîne presque naturellement une plus grande attention à cela.

 

C’est ce que démontre The Hunger Games presque malgré lui. Déjà il y a ce côté « steampunk », cette hétérogénéité entre les districts pré-industriels et Capitole à l’extrême modernité des techniques et des costumes. Ensuite on voit bien que ces arènes/télé-réalité sont créées à la fois pour assurer l’assujettissement des districts et offrir aux foules un défouloir cathartique (« du pain et des jeux »). Mais la logique du jeu finit par prendre le pas sur la logique du pouvoir.

Au début du film, on pourrait tout à fait dire qu’il y a d’un côté les districts opprimés et de l’autre les méchants habitants de Capitole, avec le super méchant Coriolanus Snow, le cruel président de Panem. Puis on se rend compte que les stylistes des candidats deviennent leurs amis, que jouer le jeu du spectacle peut les rendre populaires et s’attirer la bienveillance du public, que leurs sponsors pourront être très utiles au cours du jeu.

Surtout, le jeu finit par se retourner contre le pouvoir : le district 11 (le district des Noirs…) entame une révolte réprimée dans le sang, et en refusant de jouer le jeu jusqu’au bout, l’héroïne contraint le pouvoir à accepter deux gagnants. Et le président manifestera son mécontentement auprès du responsable du jeu.

Donc mine de rien, le film (ou plutôt : le roman d’origine) créée un univers avec une certaine consistance et une certaine hétérogénéité, ce qui est plutôt intéressant et qui a contribué, je pense, au relatif succès critique du film. De fil en aiguille, être sensible au jeu de divergence et de convergence entre ces différentes sphères amène souvent le film à ne pas être « une simple histoire » mais à proposer une analyse du fonctionnement de notre société (ou de la société imaginaire inventée pour l’occasion – ce qui revient au même). Et on en reste toujours, je le répète, dans le cadre d’un film grand public.

 

(Tout le propos de cette série de texte est de dire qu’il est possible d’avoir des films populaires de qualité, que ça existe et que par conséquent on peut réfléchir à ce qui fait un bon ou un mauvais film populaire, au-delà de la consommation brute et du box office. Il n’y a pas d’un côté les films populaires divertissants et abrutissants, et de l’autre les films intello qui réfléchissent sur le monde.)

Cela dit, je ne sais pas si dans la vraie vie on assistera un jour à une saison de Secret Story où un personnage finira par retourner la logique du jeu contre leurs créateurs…

 

À l’inverse, Avatar passe complètement à côté de cela. Et à l’exception du héros qui arrive sur la planète avec une logique de Marines et qui passe progressivement du côté des Na’vi, la planète Pandora et la planète Terre (du moins leurs représentants) apparaissent comme deux blocs homogènes, sans faille possible. C’est ce qui me fait dire qu’en dépit des prouesses technologiques incroyables du film, et de sa grande beauté plastique, ce film raconte une histoire qui aurait aussi bien pu être imaginée il y a cinquante ou cent ans.

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Xelias
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