Avoir des amis hétéro : est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? (1/4)

"Avoir des amis hétéro : est-ce possible ? Est-ce souhaitable ?"

Tel était le thème d’une soirée projection-débat organisée par Tapages le vendredi 18 juillet dernier. Je ne pouvais pas manquer cette soirée, et pour cause : à quelques semaines d’intervalles, non seulement je viens d’assister au mariage de deux amis proches, mais j’en étais le témoin. Les deux fois. Dont une fois à l’église…

Quand ces deux amis m'avaient proposé d’être leur témoin, c'était avant tout par amitié que j'avais accepté. Je sais ce que peut représenter le mariage dans la vie d’un homme et dans la vie d’un couple, et j’étais sensible à la marque d’affection et de confiance que représente le choix du témoin - même si, en soi, ce rôle ne signifie plus grand chose. Je m’étais également posé quelques questions plus politiques : que signifiait ma présence, en tant qu’homosexuel, à une institution conformiste et hétérosexuelle par excellence (surtout encore en France !) ? Etait-ce du conformisme ? de la soumission à l’ordre traditionnel ? ou au contraire de la subversion et, en quelque sorte, « le but à atteindre » (à savoir : arriver à une société où homo-, hétérosexuels et autres cohabitent dans une acceptation mutuelle, sans attendre que les institutions sociales et étatiques normalisent le tout) ?

Le petit texte présentant la soirée promettait d’ailleurs un débat savoureux :

« « Cette question est raciste », dit l'hétéro, horrifiéE (la folle pouffe, la butch s'esclaffe). L'hétéro sait (ô combien) qu'il est hétéro mais il ne sait pas qu'il est différent. Et pourtant, différent, il l'est au point de rendre toute amitié difficile.

Son communautarisme militant est effrayant : ses quartiers, ses rituels, son cinéma et sa littérature, ses codes, ses icônes, ses marches (à Lourdes ou sur les Champs-Elysées).

Et puis son lobbying pour conserver le monopole sur les familles (et leurs productions névrotiques) ou pour rester supérieur à nous dans le Code Civil est détestable.

Dans ces conditions, une amitié est-elle possible ? Est-elle même souhaitable ? Pas une alliance : une amitié... Pas un plan sexe : une amitié... De nous avec elles et eux, de toi et de moi.

Devant tant de sectarisme, devant leurs ghettos revendiqués, nous sommes tentéEs de vivre, entre transpédégouines, notre universalité ; un ami hétéro-alibi suffirait alors à donner le change et à témoigner de notre tolérance. Mais nous ne sommes pas comme cela. Nous sommes définitivement insatisfaitEs. Leur communautarisme témoigne de trop de souffrances : sans nous attendrir, il nous interroge. Et puis comme partout, comme chez nous, il doit bien y avoir quelques contradictions chez eux et elles, dans leur communauté : quelques clivages, quelques antagonismes...

Nous nous demanderons alors sous quelles conditions une amitié avec unE hétéro est possible voire souhaitable. Si nos expériences sont partageables, communiquables. Nous parlerons d'eux, de la violence de leur fierté mais aussi de la dureté de ce qu'ils/elles s'infligent, de certaines de leurs échappées. Nous parlerons de l'amitié : ses politiques et sa puissance, ses singularités, ses limites. Nous parlerons enfin de notre communauté, de nos vies en-dedans, de nos solitudes, de ce qu'elle signifie (ou pas ou plus) pour nous. »

Bref, j’avais vraiment envie de savoir quelles inventions théoriques les membres de Tapages allaient bien pouvoir inventer…